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et surtout Italiens, nous était venue avec la Renaissance, avec la protection accordée par les souverains à tout ce qui venait d’outre-monts. La monarchie qui, du XIIe au XVIe siècle, avait grandi au milieu de cette population d’artistes et d’artisans français, dont le travail et le génie n’avaient pas peu contribué à augmenter sa gloire et sa puissance, oubliant son origine toute nationale, tendait dorénavant à imposer ses goûts à la nation. Du jour où la cour voulut diriger les arts, elle étouffa le génie naturel aux vieilles populations gallo-romaines. La protection doit être discrète si elle ne veut pas effaroucher les arts, qui, pour produire des œuvres originales, ont surtout besoin de liberté. Depuis Louis XIV, les architectes qui paraissaient présenter le plus d’aptitude, envoyés à Rome sous une direction académique, jetés ainsi en sortant de l’école dans une ville dont ils avaient entendu vanter les innombrables merveilles, perdaient peu à peu cette franchise d’allure, cette originalité native, cette méthode expérimentale qui distinguaient les anciens maîtres des œuvres ; leurs cartons pleins de modèles amassés sans ordre et sans critique, ces architectes revenaient étrangers au milieu des ouvriers qui jadis étaient comme une partie d’eux-mêmes, comme leurs membres. La royauté de Louis XIV s’isolait des populations rurales en attirant la noblesse féodale à la cour pour affaiblir une influence contre laquelle ses prédécesseurs avaient eu tant de luttes à soutenir, elle s’isolait également des corporations d’ouvriers des grandes villes, en voulant tenir sous sa main et soumettre à son goût la tête des arts ; elle croyait ainsi atteindre cette unité politique et intellectuelle, but constant de la monarchie et des populations depuis le XIIe siècle, et ne voyait pas qu’elle se plaçait avec sa noblesse et ses artistes en dehors du pays. Cet oubli d’un passé si plein d’enseignements était bien complet alors, puisque Bossuet lui-même, qui écrivait l’histoire avec cette grandeur de vue des prophètes lisant dans l’avenir, ne trouvait que des expressions de dédain pour notre ancienne architecture religieuse, et n’en comprenait ni le sens ni l’esprit.

ARCHITECTURE MONASTIQUE. Pendant les premiers siècles du christianisme, des chrétiens fuyant les excès et les malheurs auxquels la société nouvelle était en butte, s’établirent dans des lieux déserts. C’est en Orient où l’on voit d’abord la vie cénobitique se développer et suivre, dès le IVe siècle siècle, la règle écrite par saint Basile ; en Occident les solitudes se peuplent de religieux réunis par les règles de saint Colomban et de saint Ferréol. Mais alors ces premiers religieux retirés dans des cavernes, dans des ruines, ou dans des huttes séparées, adonnés à la vie contemplative, et cultivant quelques coins de terre pour subvenir à leur nourriture, ne formaient pas encore ces grandes associations connues plus tard sous le nom de monastères ; ils se réunissaient seulement dans un oratoire construit en bois ou en pierre sèche, pour prier en commun. Fuyant le monde, professant la plus grande pauvreté, ces hommes n’apportaient dans leurs solitudes ni art, ni rien de ce qui pouvait tenter la cupidité des barbares,