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tion des édifices religieux qui prenait une importance considérable ; nous voulons parler des vitraux colorés. Les peintures murales, fort en usage dans les siècles antérieurs, ne pouvaient lutter avec ces brillantes verrières, qui, en même temps qu’elles présentaient des sujets parfaitement visibles par les temps les plus sombres, laissaient passer la lumière et atteignaient une richesse et une intensité de couleurs qui faisaient pâlir et effacent même complètement les fresques peintes auprès d’elles. Plus le système de l’architecture adopté forçait d’agrandir les baies, plus on les remplissait de vitraux colorés, et moins il était possible de songer à peindre sur les parties lisses des murs des sujets historiques. Il est question de vitraux colorés dans des édifices religieux fort anciens, à une époque où les fenêtres destinées à les éclairer étaient très-petites ; nous ne savons comment étaient traitées ces verrières, puisqu’il n’en existe pas qui soient antérieures au XIIe siècle, mais il est certain qu’avec le mode de coloration et de distribution des verrières les plus anciennes que nous connaissions, il est impossible de faire de la peinture harmonieuse, autre que de la peinture d’ornement. Dans des soubassements, sur des nus de murs, près de l’œil, les fresques peuvent encore soutenir la coloration translucide des verrières, mais à une grande hauteur, l’effet rayonnant des vitraux colorés est tel qu’il écrase toute peinture modelée. Les tentatives faites depuis peu dans quelques-uns de nos édifices religieux pour allier la peinture murale à sujets avec les vitraux ne font, à notre avis, que confirmer notre opinion. Dans ce cas, ou les vitraux paraissent durs, criards, ou la peinture modelée semble flasque, pauvre et poudreuse. L’ornementation plate dont les couleurs sont très-divisées, et les formes fortement redessinées par de larges traits noirs, ne comportant que des tons francs, simples, est la seule qui puisse se placer à côté des vitraux colorés, et même faire ressortir leur brillante harmonie (voy. Peinture, Vitraux). Préoccupés autant de l’effet décoratif des intérieurs de leurs édifices religieux, que du système de construction qui leur semblait devoir être définitivement adopté, les architectes du XIIIe siècle se trouvaient peu à peu conduits, pour satisfaire aux exigences du nouvel art inauguré par eux, à supprimer tous les nus des murs dans les parties hautes de ces édifices. Ne pouvant harmoniser de larges surfaces peintes avec les vitraux colorés, reconnaissant d’ailleurs que ces vitraux sont certainement la plus splendide décoration qui puisse convenir à des intérieurs de monuments élevés dans des climats où le ciel est le plus souvent voilé, que les verrières colorées enrichissent la lumière pâle de notre pays, font resplendir aux yeux des fidèles une clarté vivante en dépit du ciel gris et triste, ils profitèrent de toutes les occasions qui se présentaient d’ouvrir de nouveaux jours, afin de les garnir de vitraux. Dans les pignons ils avaient percé des roses qui remplissaient entièrement l’espace laissé sous les voûtes ; des formerets ils avaient fait les archivoltes des fenêtres supérieures et inférieures ; ne laissant plus entre ces fenêtres que les points d’appui rigoureusement nécessaires pour porter les voûtes, divisant même ces points d’appui en faisceaux de colonnettes afin d’éviter les