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ils n’adoptaient pas encore franchement le système d’équilibre qui devint bientôt le principe de l’architecture gothique.

Dès les premières années du XIIIe siècle la cathédrale de Meaux avait été bâtie ; elle possédait des collatéraux avec galerie de premier étage voûtée, et triforium pris, comme au croisillon sud de Soissons, comme à la cathédrale de Laon, dans l’épaisseur du mur d’adossement du comble des galeries. Or, cette église, élevée à la hâte, avait été mal fondée ; il se déclara des mouvements tels dans ses maçonneries, peu de temps après sa construction, qu’il fallut y faire des réparations importantes ; parmi celles-ci, il faut compter la démolition des voûtes des bas côtés du chœur, en conservant celles de la galerie du premier étage, de sorte que le bas côté fut doublé de hauteur ; on laissa toutefois subsister dans les travées parallèles du chœur les archivoltes et la claire-voie de la galerie supprimée, qui continuèrent à étrésillonner les piles parallèlement à l’axe de l’église. Dans le même temps, de 1200 à 1225, on construisait la nef de la cathédrale de Rouen, où l’on établissait bénévolement une disposition semblable à celle qu’un accident avait provoquée à la cathédrale de Meaux, c’est-à-dire qu’on étrésillonnait toutes les piles de la nef entre elles parallèlement à l’axe de l’église à peu près à moitié de leur hauteur, au moyen d’une suite d’archivoltes simulant une galerie de premier étage qui n’existe pas, et n’a jamais existé. À Eu, même disposition. Le chœur de l’église abbatiale d’Eu avait été élevé, ainsi que le transsept et la dernière travée de la nef, avec bas côtés surmontés d’une galerie voûtée de premier étage dans les dernières années du XIIe siècle. La nef ne fut élevée qu’un peu plus tard, vers 1225, et comme à la cathédrale de Rouen, avec un simulacre de galerie seulement, en renonçant aux voûtes des bas côtés et élevant ceux-ci jusqu’aux voûtes de la galerie. Ce n’était donc que timidement, dans quelques contrées du moins, qu’on s’aventurait à donner une grande hauteur aux bas côtés et à supprimer la galerie voûtée de premier étage, ou plutôt à faire profiter les collatéraux de toute la hauteur de cette galerie, en ne conservant plus que le triforium pratiqué dans le mur d’adossement des combles latéraux. Cependant déjà des architectes plus hardis ou plus sûrs de leurs matériaux avaient, dès les premières années du XIIIe siècle, bâti de grandes église, telles que les cathédrales de Chartres et de Soissons, par exemple, sans galerie de premier étage sur les bas côtés, ou sans étrésillonnement simulant ces galeries et rendant les piles des nefs solidaires. Ce qui est certain, c’est qu’au commencement du XIIIe siècle on n’admettait plus les collatéraux bas, qu’on sentait le besoin de les élever, d’éclairer le milieu des nefs par de grandes fenêtres prises dans les murs de ces collatéraux, et que ne voulant pas élever démesurément les voûtes des nefs, on renonçait aux galeries de premier étage, et on se contentait du triforium pratiqué dans le mur d’adossement des combles des bas côtés, en lui donnant une plus grande importance. La cathédrale de Bourges nous donne la curieuse transition des grandes églises à galeries voûtées et à doubles bas côtés, comme Notre-Dame de Paris, aux églises définitivement