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le mur B, une suite de petits arcs, ou un second triforium auraient éclairé ces combles en E, et pour contre-butter la grande voûte il eût suffi de construire, au droit de chaque arc-doubleau, un arc-boutant C reportant les poussées sur le contre-fort D, rendu plus résistant au moyen d’une plus forte saillie. Ce dernier pas était bien facile à franchir ; aussi voyons-nous presque tous les édifices religieux du domaine royal, de la Champagne, de la Bourgogne et du Bourbonnais adopter ce parti, non sans quelques tâtonnements, pendant la seconde moitié du XIIe siècle. Mais en renonçant aux voûtes en berceau dans les provinces du nord et les remplaçant par des voûtes d’arêtes (même lorsqu’elles étaient combinées comme celles du porche de l’église de Vézelay, c’est-à-dire très-peu élevées), on devait en même temps renoncer aux couvertures posées à cru sur ces voûtes, il fallait des charpentes. Une nouvelle difficulté se présentait. Des voûtes construites d’après le système adopté dans le porche de Vézelay exigeaient ou des charpentes sans entraits, si les murs goutterots ne s’élevaient que jusqu’au point E, c’est-à-dire jusqu’à la hauteur de la clef des formerets, ou une surélévation de ces murs goutterots jusqu’au sommet G des grandes voûtes, si l’on voulait que les fermes fussent munies d’entraits. Or nous voyons que, pour obtenir des jours directs au-dessus du triforium en B, on était déjà amené à donner une grande élévation aux murs des nefs ; il était donc important de gagner tout ce que l’on pouvait gagner sur la hauteur ; on fut alors entraîné à baisser la clef des arcs-doubleaux des grandes voûtes au niveau des clefs des formerets, et comme conséquence les naissances de ces arcs-doubleaux durent être placées au-dessous des naissances de ces formerets (voy. Voûte). Ce fut après bien des hésitations que, vers 1220, les sommets des arcs-doubleaux et des formerets atteignirent définitivement le même niveau. Les grandes voûtes de la nef et du porche de Vézelay ont de la peine à abandonner la forme primitive en berceau ; évidemment les constructeurs de cette époque, tout en reconnaissant que la poussée continue de la voûte en berceau ne pouvait convenir à des édifices dont les plans ne donnent que des points d’appui espacés, qu’il fallait diviser cette poussée au moyen de formerets et de voûtes pénétrant le berceau principal, n’osaient encore aborder franchement le parti de la voûte en arcs-ogives ; d’ailleurs ils commençaient à peine vers le milieu du XIIe siècle à poser des arcs-ogives saillants, et les arêtes des voûtes ne pouvaient être maintenues sans ce secours, à moins d’un appareil fort compliqué que des maçonneries en petits moellons ne comportaient pas. Les plus anciens arcs-ogives ne sont que des nervures saillantes, des boudins, des tores simples, doubles ou triples, qui sont évidemment placés sous les arêtes des voûtes dans l’origine, pour les décorer et pour donner un aspect moins froid et moins sec aux constructions. Dans le porche de Vézelay, par exemple, deux voûtes seulement sont munies d’arcs-ogives ; ils ne sont qu’une décoration, et n’ajoutent rien à la solidité des voûtes qui ne sont pas combinées pour avoir besoin de leur secours. Les grandes voûtes, presque coupoles, des cathédrales d’Angers et de Poitiers, sont