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teur, épouse Anne de Boulen, confisque à son profit le pouvoir spirituel de l’Angleterre, en même temps qu’il supprime les abbayes, les monastères, et s’empare de leurs revenus et de leurs trésors. De pareils exemples étaient bien faits pour séduire la noblesse catholique ; se soustraire à la prépondérance spirituelle du clergé, s’emparer des biens temporels ecclésiastiques, était un appât qui ne pouvait manquer d’entraîner la féodalité séculière vers la réforme ; puis, encore une fois, la mode s’en mêlait en France ; sans se ranger avec enthousiasme sous la bannière de Luther ou sous celle de Calvin, la curiosité était excitée ; ces luttes contre le pouvoir si fort alors de la papauté, attiraient l’attention ; on était, comme toujours, en France, disposé dans la classe éclairée, sans en prévoir les conséquences, à protéger les idées nouvelles. Marguerite de Navarre, dans sa petite cour de Nérac, donnait asile à Calvin, à Le Fèvre d’Étaples, qui tous deux étaient mal avec la Sorbonne. Les grandes dames se moquaient de la messe catholique, avaient composé une messe à sept points, et s’élevaient fort contre la confession. La Sorbonne se fâchait, on la laissait faire. La duchesse d’Étampes avait à cœur d’amener le roi François à écouter les réformistes. On disputait ; chaque jour élevait un nouveau prédicateur cherchant à acquérir du renom en énonçant quelque curieuse extravagance ; les esprits sains (et ils sont toujours en minorité) s’attristaient, voyaient bien quelles tempêtes s’amoncelaient derrière ces discussions de salons ; mais il faut le dire, l’agitation était dans la société. Les anciennes études théologiques, ces sérieuses et graves méditations des docteurs des XIIe et XIIIe siècles, avaient fait leur temps, on voulait autre chose ; l’étude du droit, fort avancée alors, venait protester contre l’organisation féodale. François Ier fondait en France des chaires de droit romain à l’instar de celles de Bologne ; il dotait un collège trilingue dont Érasme eût été le directeur si Charles-Quint ne nous l’eût enlevé. On s’éprenait exclusivement des lettres antiques. C’était un mouvement irrésistible comme celui qui, au XIIe siècle, avait fait sortir la société de la barbarie ; mais il manque au XVIe siècle une de ces figures comme celle de saint Bernard, pour contenir, régler et faire fructifier cette agitation qui bientôt va se perdre dans le sang et les ruines.

Mais voyez quelles étranges contradictions ! comme ce siècle marche à l’aventure !… Nous avons dit un mot du peu de succès des tentatives de Charles VIII pour faire prévaloir en France les arts de la renaissance italienne ; comme ces efforts n’avaient pu entamer l’esprit traditionnel des corporations d’artisans ; nous avons vu (voy. Architecte) comme à la fin du XVe siècle la puissance de ces corporations avait absorbé l’unité de direction, et comment l’architecte avait peu à peu disparu sous l’influence séparée de chaque corps d’état agissant directement. L’Italie, Florence, Rome surtout, avait appris à nos artistes, ne fût-ce que par la présence en France de ces hommes amenés par Charles VIII et auxquels on voulait confier la direction des travaux, que ces merveilles, tant admirées au delà des Alpes, étaient dues non point à des corps de métiers agissant séparé-