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l’enceinte des cloîtres (voy. Architecture). La grande conjuration de la cité se subdivise en conjurations de citoyens par corps d’état. Chacune de ces corporations obtient, achète des privilèges ; elle garde sa ville, est armée, elle a ses lois, sa juridiction, ses finances, ses tarifs, son mode d’enseignement par l’apprentissage ; si bien qu’au XIIIe siècle le pouvoir royal reconnaît l’existence de tous ces corps par les règlements d’Étienne Boileau.

Une fois sorti des monastères, l’art de l’architecture, comme tous les autres arts, devient un état. Le maître de l’œuvre est laïque, il appartient à un corps, et il commande à des ouvriers qui font tous partie de corporations ; les salaires sont réglés, garantis par les jurés ; les heures de travail, les rapports des chefs avec les subalternes sont définis. On fait des devis, on passe des marchés, on impose la responsabilité. Hors du cloître l’émulation s’ajoute à l’étude, les traditions se transforment et progressent avec une rapidité prodigieuse, l’art devient plus personnel ; il se divise par écoles, l’artiste apparaît enfin au XIIIe siècle, fait prévaloir son idée, son goût propre. Il ne faut pas croire que le haut clergé fit obstacle à ce mouvement, ce serait mal comprendre l’esprit qui dirigeait alors le corps le plus éclairé de la chrétienté. Tout porte à supposer qu’il l’encouragea, et il est certain qu’il sut en profiter, et qu’il le dirigea dans les voies nouvelles. Nous voyons dès le commencement du XIIIe siècle un évêque d’Amiens, Ewrard de Fouilloy, charger un architecte laïque, Robert de Luzarches, de la construction de la grande cathédrale qu’il voulait élever sous l’invocation de Notre-Dame. Après Robert de Luzarches, l’œuvre est continuée par Thomas de Cormont et par son fils Regnault, ainsi que le constate l’inscription suivante qui se trouvait incrustée en lettres de cuivre dans le labyrinthe placé au milieu du pavage de la nef, et enlevé depuis peu sans qu’une voix se soit élevée contre cet acte sauvage.


MÉMOIRE QUAND L’EOVRE DE L’EGLE
DE CHEENS FU COMENCHIE ET FINE
IL EST ESCRIPT EL MOILON DE LE
MAISON DE DALUS[1].


en.l’an.de.grace.mil.iic.4
et.xx.fu.loeuvre.de.cheens.
premierement.encomenchie.
a dont.yert.de.cheste.evesquie.
evrart.evesque.benis.
et.roy.de.france.loys[2].
q.fu.filz.phelippe.le.saige.
chil.q.maistre.vert.de.loeuvre.

  1. Maison de Dalus, Maison de Dædalus, le labyrinthe.
  2. C’est une erreur. En 1220, Philippe Auguste régnait encore ; mais il ne faut pas oublier que cette inscription fut tracée en 1288.