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jourd’hui un autre nom que le vôtre ; or, un nom connu, respecté, est, pour le voisinage, comme la vieille maison à laquelle il se trouve pour ainsi dire attaché. Si vous n’existiez pas et que votre père et votre mère ne fussent plus de ce monde, Mme N.…., votre sœur, en venant habiter cette terre avec son mari, pourrait impunément démolir la vieille maison et en bâtir une neuve, car il ne lui serait pas plus difficile de faire accepter cette maison neuve que le nom du nouveau propriétaire. Elle devrait renouer de nouveaux liens avec tout ce petit monde qui vous entoure, et par conséquent établir entre ce monde et sa nouvelle famille des rapports autres probablement que ceux qui existent aujourd’hui entre votre père et les gens de votre voisinage. Les relations de votre père avec les paysans berrichons au milieu desquels il a toujours vécu, résultent de traditions transmises par plusieurs générations sans interruption. Il peut obtenir d’eux, par suite, des services, leur inspirer une confiance qui ne seraient point accordés à de nouveaux venus, à un autre nom que le sien ; de même aussi ces campagnards acceptent sans défiance des bienfaits qu’ils savent, par une longue expérience, être désintéressés. Le vieux manoir occupé par une personne étrangère, par un nom nouveau, perdrait le prestige si justement apprécié par votre père ; donc il n’y aurait nul avantage à conserver au vieux domaine sa physionomie. Aussi M. de Gandelau, qui ne fait rien légèrement, a-t-il bien compris qu’un jour ou l’autre, et par la force des choses, sa maison ne pourrait convenir à ses enfants, et, avant de la laisser disparaître, il en élève une nouvelle pour votre sœur ; maison à laquelle on s’habituera peu à peu dans le pays, qui formera un nouveau noyau ; car Mme Marie sait se faire aimer et est connue ici de tous par ses belles qualités. On se fera aux habitudes plus modernes des hôtes du manoir neuf, et personne ne trouvera étrange, alors, qu’on modifie ou qu’on démolisse le