Page:Viollet-le-Duc, Histoire d une maison, 1873.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tre qui est dans la charrote, faut que je le paye au plâtrier, que cette brique, faut que je la paye au chaufournier, et ainsi du tout. Si le bourgeois fait attendre ses écus, faut brêter partout pour avoir de l’argent et on est dans l’embarras. Mais il est bon que je m’embauche, excusez ; mon garçon est là qui m’attend.

— Est-ce que vous pourriez bâtir une grande maison, père Branchu ?

— Voire ! tout de même, monsieur Paul ; j’ai bien bâti celle au maire, qui est grande assez ! »

Cependant M. Paul ne trouve plus, comme la veille, les heures un peu longues ; il a une idée. La maison projetée pour sa sœur ne lui sort pas de l’esprit ; il la voit, tantôt sous forme d’un palais, tantôt d’un manoir à tourelles, tantôt d’un chalet tout entouré de lierres et de clématites avec force balcons découpés. M. Paul a un grand cousin qui est architecte ; il l’a vu travailler souvent sur une planchette ; sous sa main les bâtiments s’élevaient comme par enchantement. Cela ne lui a pas paru trop difficile. Le grand cousin a dans la chambre qu’il occupe quand il vient au château, les outils qui lui sont nécessaires. M. Paul va essayer de mettre sur le papier un de ces projets qu’il entrevoit. Mais une première difficulté se présente. Il faudrait savoir ce qui conviendrait à la sœur ; est-ce un manoir seigneurial avec tours et créneaux, un chalet ou une villa italienne ? Si l’on prétend lui ménager une surprise, encore faut-il qu’elle lui soit agréable. Après une bonne heure de méditations, M. Paul pense, non sans quelque raison, qu’il convient d’aller trouver son père. « Là, là, tu es bien pressé, dit le père, après les premiers mots de Paul. Eh ! la chose n’est point si avancée. Tu veux faire un projet de maison pour Marie ; soit, essaye donc. Mais avant tout, il serait bon alors de savoir ce que désire ta sœur, comment elle entend que sa maison soit distribuée. Il ne me déplaît point