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pour moi de savoir Marie établie loin de nous, de ne l’avoir pas près de moi. D’ailleurs, son mari ne peut rester les trois quarts de l’année à la campagne. Ses occupations ne le lui permettent pas. Marie serait donc seule souvent. Que voulez-vous qu’elle fasse dans une maison, son mari absent ?

— Elle fera, ma bonne amie, ce que vous avez fait vous-même quand mes affaires m’appelaient trop souvent hors de ce domaine ; et cependant alors nous étions jeunes. Elle s’occupera de sa maison, elle prendra l’habitude de gérer son bien, elle sera occupée, responsable ; partant contente d’elle-même et heureuse de ce qu’elle aura su créer autour d’elle… Croyez-moi ; j’ai vu les plus tendres affections de famille s’user et s’éteindre dans cette vie commune des enfants mariés, auprès de leurs ascendants. L’épouse tient à être maîtresse incontestée chez elle, et c’est là un sentiment sain et vrai ; il faut se garder d’aller à l’encontre. La femme sagement élevée ayant charge de maison, la responsabilité et l’indépendance qui est la conséquence de toute responsabilité, sait mieux se garder que celle que l’on tient toute sa vie en tutelle. Marie serait très-bien ici, très-heureuse d’y être, et son mari non moins tranquille de la savoir près de nous, mais elle ne serait pas chez elle. Une jeune fille n’est bien à sa place qu’auprès de sa mère, une épouse n’est à sa place que dans sa maison. Et même chez sa mère alors, elle passe dans la catégorie des invités. Et en admettant (chose difficile) que de cette existence mixte, il ne résulte pas de froissements, il est du moins certain qu’il en découle le désintéressement des choses pratiques, la nonchalance, l’ennui même et tous les dangers qui en sont la conséquence.

« Vous avez trop bien élevé votre fille, pour qu’elle ne désire pas ardemment remplir tous ses devoirs ; vous lui avez toujours montré une activité trop attentive pour qu’elle ne veuille pas, à son tour, déployer la sienne. Donnons-lui-en