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séjour en Italie ne sera qu’un passage. Ils comptent s’embarquer à Naples dans un mois au plus tard. Cependant, leur retour ne pourrait s’effectuer, me dit Marie, que dans un an. Elle m’annonce cela sans paraître autrement affectée de la longueur de cette absence ; j’en éprouve, mon ami, un serrement de cœur que tous les meilleurs raisonnements ne peuvent atténuer.

— Bon ! croyez-vous, chère amie, que nous marions nos enfants pour nous ? Et cela n’était-il pas convenu ? On dit que peu d’affections sont assez fortes pour résister à la vie commune, en voyage. N… est un digne et brave garçon, travailleur et un peu ambitieux, ce qui n’est pas un mal ; Marie l’aime, elle est intelligente et se porte bien. Ils subiront l’épreuve avec succès, je n’en doute pas, et nous reviendront comme deux bons camarades, ayant appris à se bien connaître, à s’entr’aider et à se suffire ; avec ce grain d’indépendance qui est nécessaire pour vivre en bon accord avec ses proches.

— Vous avez probablement raison, mon ami ; mais cette longue absence n’en est pas moins douloureuse, et cette année me semblera un peu longue. Je serai, malgré tout, bien heureuse quand je pourrai m’occuper de préparer leur appartement ici et que je n’aurai plus que peu de jours à compter pour les revoir.

— Sans doute, sans doute ; et moi aussi je les embrasserai de bon cœur, ces chers amis… et Paul donc ! Mais, puisqu’il est décidé que nous ne les reverrons que dans un an, ce serait une belle occasion pour reprendre mon projet.

— Lequel, mon ami ? Serait-ce la construction de cette maison que vous vouliez faire bâtir, là-bas, sur ce morceau de terre qui fait partie de la dot de Marie ?.. Ne faites pas cela, je vous en supplie. Nous avons ici bien assez de place pour les loger eux et leurs enfants s’il leur en vient. Et, après cette longue absence, ce serait une nouvelle douleur