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vous raconte les histoires du voisinage tout en faisant sa tournée. Les clochettes des troupeaux vous charment aussi bien que la chanson monotone du petit pâtre qui a grandi et aspire au grade de pastour attitré.

Oui, c’est un bon temps… Mais, les premiers jours passés, l’ombrage des beaux arbres, une campagne aimée, les longues promenades, les histoires du garde-chasse, et le bateau même, se voilent d’un secret ennui, si une occupation favorite ne vient point vous saisir. Il appartient à la vieillesse seule de se complaire dans les souvenirs et de trouver des joies toujours nouvelles dans la contemplation des champs et des bois.

La provision des souvenirs est vite épuisée par la jeunesse, et la méditation inactive n’est pas son fait.

M. Paul, à seize ans, ne faisait point ces réflexions à part lui ; mais après huit jours passés à la campagne chez son père, châtelain cultivateur, possesseur d’une belle terre dans le Berri, il avait à peu près épuisé la somme des impressions qu’avait fait naître en lui le retour dans le domaine paternel. Pendant toute l’année scolaire, combien n’avait-il pas fait de projets ajournés aux prochaines vacances ? Il lui semblait qu’il n’aurait pas assez de six semaines pour les réaliser. Que de choses il avait à revoir, à dire, à faire. Et cependant en huit jours tout était vu, dit et fait.

D’ailleurs, mariée depuis peu, sa sœur aînée était partie avec son mari pour un long voyage, et quant à Lucie, sa sœur cadette, elle paraissait plus préoccupée de sa poupée et du trousseau d’icelle, que des pensées de monsieur son frère.

Il avait plu tout le jour ; la ferme, visitée pour la cinquième fois par M. Paul, lui avait paru fort triste et sombre. Les poules, abritées le long des murs, semblaient pensives, et même, les canards barbotant dans une boue saumâtre étaient silencieux. Le garde, sorti pour tuer un lièvre, avait