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ne peuvent être que le résultat, que le produit de l’imagination qui se représente et qui crée un ordre plus parfait ou seulement autre que l’ordre existant. C’est une révélation ; c’est de la poésie. Joignez à cela une composition sage et réglée, une élévation soutenue, constante et dans les pensées et dans l’expression, ce qui forme le style et qui leur manque presque toujours : en quoi donc différera cette poésie de celle des Grecs ?

Ce sens poétique était donc préexistant chez les Français, quand l’imprimerie, au XVIe siècle, eut rendu les études du grec et du latin plus vulgaires. La beauté, la grandeur de cette poésie, ignorée jusque là, frappèrent d’admiration tous les esprits aptes à la comprendre et dignes de l’apprécier. Toutes les tentatives se tournèrent vers son imitation. La langue française, en s’enrichissant, en se régularisant, fit prendre en mépris les poètes Gaulois dont le style devint tout à coup vieux, décrépit, et dont les compositions, comparées à celles des anciens, parurent bientôt barbares et ridicules, dans un pays où la mode a toute puissance ; et une fois l’antiquité connue, le retour au système Gaulois devint impossible.

Quand ensuite, dans le XVIIe siècle, la classe éclairée de la nation entendit sur le théâtre l’écho des paroles, des passions qui avaient fait le charme de ses classes, un sentiment de satisfaction, de bonheur, dut se manifester chez elle, et se communiquer à ceux mêmes pour qui ces beautés n’étaient pas un souvenir, mais une révélation. De ce moment la littérature, dite aujourd’hui classique, devint nationale, et s’incorpora si bien dans l’esprit du peuple même, que tous les poètes connus, sortis de la plèbe, et sans études préliminaires, tels que le menuisier de Nevers,