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les mettre en défiance contre une découverte qui devait prendre de l’importance par le tort elle ne pouvait manquer de faire à toute une classe d’artistes et d’industriels.

Ce fut un coup fatal pour l’inventeur qui ne put continuer ses travaux. Obligé de rembourser les héritiers de son associé, impuissant à mener seul son entreprise, harcelé, par ses créanciers, sans crédit et sans fortune, il dut renoncer à la lutte au sein de cette ville où il avait tant souffert. Il envoya son matériel et son mobilier à Mayence et revint habiter cette ville où il était né, qu’il avait toujours aimée, où il avait de nombreux amis et où il espérait trouver l’appui et les secours que Strasbourg ne lui avait pas donnés.

À quelle époque eut lieu ce voyage ? Les historiens ne sont pas d’accord. Ils varient entre 1444 et 1445. Un seul fait n’est pas douteux ; il était à Mayenne en 1446 ; et déjà y avait trouvé pour ses fontes un alliage plus dur que le plomb. Ses caractères, dès lors, soutinrent les fatigues de la presse et sa théorie prenant un corps apporta une nouvelle lueur d’espoir au vaillant lutteur ; mais l’argent manquait toujours et sans argent rien ne pouvait s’exécuter.

Fut-ce pour son bien ou son malheur ? Un jour, il trouva cet argent qui lui manquait, l’appui qu’il invoquait depuis si longtemps et avec tant d’ardeur. On lui faisait de dures conditions. Qu’importe ? Il avait tant souffert, tant espéré, tant douté ! Il était si près de la réussite qu’il ne pouvait hésiter. Et puis les inventeurs, ces grands rêveurs perdus dans l’idéal, tiennent-ils à la fortune ? Y a-t-il beaucoup d’entre eux qui aient profité directement de leurs découvertes ? Tous n’ont-ils pas vendu leur droit d’ainesse pour un plat de lentilles, leur trésor bien-aimé pour un morceau de pain ? Gutenberg avait rencontré un ami, Jean Fust, et il lui avait conté ses