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poser, expliquer et commenter des faits, voilà en quatre mots tout l’enseignement supérieur.

Le tour historique et critique de l’enseignement sera particulièrement utile en politique. On tombe toujours du côté où l’on penche. Nous avons le goût des généralités dans toutes les sciences, mais nous ne les avons jamais plus prodiguées qu’en matière d’organisation sociale. On appelle cela « les principes ». Je pense beaucoup de bien des principes ; mais il me semble qu’en ce genre tout est dit, et c’est une tout autre chose que j’aimerais à voir enseigner. Que ces grandes généralités soient vraies en gros, nul ne le conteste ; mais l’expérience seule fixe la limite précise où elles cessent d’être pratiquement exactes. Je parle ici, vous m’entendez sans peine, de la haute et vaste expérience qui dresse sans hâte ses tables d’observations, tient compte de tous les éléments, saisit toutes les analogies, et n’omet aucune des corrections que suggère la différence des temps, des lieux et de la race. Les cadres de ce savoir expérimental, voilà ce que l’instruction supérieure doit fournir aux citoyens. Quand tout le monde est avocat et déclame, c’est par des connaissances positives que se distingue l’homme digne de conduire l’opinion.

Contemporain par le fond, historique et critique par la forme, l’enseignement nouveau se distingue à ce double titre de celui qui est dispensé à la Sorbonne et au Collége de France. Les cours de ces deux grandes écoles officielles sont élevés, encyclopédiques, et la dernière ne craint pas d’aborder les questions contemporaines. Mais il y manque l’harmonie et l’unité de vue. Tandis que l’enseignement d’une chaire sera