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DU LIVRE DE M. COUSIN

struire ; tous les raisonnements qui se tirent de notions spirituelles sont perdus ou ridicules pour des hommes à qui ces prémisses manquent. Et c’est pourquoi Pascal a pu dire : « Je n’entreprendrai pas ici « de prouver par des raisons naturelles aucune des choses de cette nature, parce que je ne me sentirais pas assez fort pour trouver dans la nature de quoi convaincre des athées endurcis. » Pascal savait apparemment ce que c’est qu’un athée endurci.

Connaître par le cœur, voilà la grande affaire. Et il ne faut donc pas s’étonner que Pascal, non-seulement se passe d’une grande lumière, mais ne la désire pas. Voilà pourquoi, dans l’intérieur même du christianisme, il souffre des obscurités. S’il n’y en avait pas, le cœur laisserait tout faire à l’esprit, qui suffirait à tout ; et le cœur, dès-lors, n’entrant pour rien dans cette recherche de la vérité qui, déjà comme recherche, est une partie de notre bien, laisserait l’homme se pavaner tristement au milieu de ces formes vides et de ces notions abstraites qu’il appelle des connaissances.

On a coutume de croire que Pascal n’a mis en opposition que le pyrrhonisme et la révélation ; mais il fait encore une autre antithèse ; il oppose au pyrrhonisme le sentiment ; à la raison, Pénélope désespérée, il oppose le cœur, et la toile ne se défait plus. Il revendique, il réhabilite les preuves du cœur. C’est là peut-être l’originalité du livre des Pensées. Enoncer sommairement cette idée, c’est encourir, je ne l’ignore pas, plus d’un reproche et plus d’un