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dans le livre des pensées.

reviennent les savants. Aussi, philosopher véritablement c’est se moquer de la philosophie ; et si Aristote et Platon méritent le nom de philosophes, c’est plutôt par la sagesse pratique de leur vie que par leurs spéculations métaphysiques. La raison seule est donc un instrument imparfait ou faussé ; et si la vérité doit entrer en nous, c’est par une autre porte que celle du raisonnement.

3. Une troisième antithèse ou contrariété est celle qui a lieu sur le sujet du bonheur. Le besoin du bonheur nous est essentiel. Mais ce bonheur, nous sommes si loin de l’atteindre (plainte générale), que nous ne savons pas même où nous devons le chercher. La raison nous donne quelque lumière là-dessus, mais une lumière inutile, comme on va le voir. Elle nous dit que le bonheur n’est pas une chose distincte du contentement ; que le siège du bonheur est en nous ; que les objets extérieurs n’ont point d’influence absolue sur le bonheur ; que notre intérieur, au contraire, peut changer tout à fait les objets extérieurs ; que, n’étant pas maîtres du monde extérieur, il faut nous rendre maîtres du monde intérieur sur lequel nous avons prise ; qu’alors seulement ce qui est hors de nous nous deviendra soumis, incapable de nous nuire, propre à nous servir. C’est donc à rentrer chez nous, et, pour ainsi dire, à nous y retrancher, que la raison nous invite ; et le bonheur a été défini admirablement l’intérét dans le calme. Mais toute notre pratique proteste contre cette définition. C’est hors de nous