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du plan attribué à pascal

tique, bien rare dans un ouvrage de cette nature ; ce livre, didactique en apparence, est tour à tour, suivant que le sujet le comporte, un drame, une véhémente satire, une philippique, une élégie, un hymne. Pascal méprisait la poésie : a-t-il su qu’il était grand poëte ? Dans un même moule semblent avoir été fondus plusieurs de ses paragraphes et plusieurs des strophes de lord Byron. Que cherchent dans les Pensées beaucoup des lecteurs de Pascal ? Pascal lui-même ; une individualité rare, une nature extraordinaire, une âme. On peut lire Pascal comme on lit Childe Harold[1].

On peut considérer le livre de Pascal, du moins

  1. « L’homme n’est qu’un roseau le plus faible de la nature ; mais c’est « un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser. Une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt ; et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. » (Ire Partie, Art. iv, § 6.)

    « Quelle chimère est-ce donc que l’homme ! Quelle nouveauté, quel chaos, quel sujet de contradiction ! Juge de toutes choses, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai, amas d’incertitude, gloire et rebut de l’univers : s’il se vante, je l’abaisse ; s’il s’abaisse, je le vante ; et le contredis toujours, jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il est un monstre incompréhensible. » (II, i, 5.)

    « Il est indubitable que l’âme est mortelle ou immortelle. Cela doit mettre une différence entière dans la morale ; et cependant les philosophes ont conduit la morale indépendamment de cela. Quel étrange aveuglement ! (II, xvii, 69.)

    « Le dernier acte est toujours sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste. On jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais. » (Ibid.)

    L’édition des Pensées de Pascal qui a servi pour ce travail et à laquelle sont empruntées les citations de M. Vinet, est celle de P. Didot l’aîné, Paris, 1817, en deux volumes in-8o. Pour rendre les recherches plus faciles, on a pris soin d’indiquer les passages cités d’après les divisions communes à toutes les éditions des Pensées antérieures à celle de M. Faugère. Les grands chiffres romains désignent la Partie à laquelle le renvoi se rapporte, les petits chiffres romains l’Article, les chiffres arabes le Paragraphe.