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du plan attribué à pascal

exhumé du fond de l’âme humaine le principe de toutes les incrédulités, elle les envelopperait toutes, elle devancerait celles qui sont à naître, elle préparerait une réponse à des objections qui n’ont point encore été prononcées ; pour cela, on la verrait peut-être pénétrer plus avant dans le doute que les plus hardis douteurs, creuser sous l’abîme qu’ils ont creusé, se faire incrédule à son tour d’une incrédulité plus déterminée et plus profonde ; en un mot, ouvrir, élargir la plaie, dans l’espérance d’atteindre le germe du mal et de l’extirper. Ce genre d’apologie est tellement à part qu’elle demande un autre nom ; la religion ne se présente pas en avocat, mais en juge ; la robe de deuil du suppliant fait place à la toge du préteur ; l’apologie n’est plus justification seulement, mais éloge, hommage, adoration ; et le monument qu’elle élève n’est pas une citadelle, mais un temple. Telle est l’apologétique de Pascal.

Je l’ai relue pour vous l’exposer : avec quels sentiments ? je ne puis l’exprimer. Chaque partie de notre être est susceptible de jouissance ; mais il y a, à côté, au-dessus peut-être des plaisirs du goût, de l’imagination, de la sensibilité, une joie de l’intelligence, qu’aucun écrivain ne donne aussi souvent et aussi pleinement à son lecteur que l’incomparable auteur du livre que nous étudions. Je n’ai pu assez admirer cette franchise de pensée qui attaque toujours directement le fond des choses ; cette virilité de génie qui brave toutes les conséquences de