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de cet effort de tous vers la grande Justice, — vers une équité meilleure, enfin, que celle dont se lamente le Passé. Mais les résultats très précis, obtenus en appliquant ces théories humanitaires, — empruntées, d’ailleurs, à l’éternel Christianisme, — semblaient jusqu’à présent, — il fallait bien se l’avouer, — singulièrement en désaccord avec les admirables intentions de leurs partisans. Comment ne pas reconnaître, en effet, que les plus libres, les plus fiers et les plus jaloux de la Liberté, parmi les peuples, sont ceux-là même qui, les longs fouets ensanglantés aux poings, supplicient le plus leurs esclaves, savent humilier le mieux leurs pauvres et, entre les forfaits à commettre, ne préfèrent jamais que les plus vils ?

Comment éviter, par tous pays, le spectacle de ces triomphantes lupercales où les majorités — au patriotisme si lucratif, aux éloquences foraines, — exultent si gravement, et dont la sereine servilité, — giratoire seulement aux uniques souffles de ces trahisons écœurantes philosophiquement situées au-dessous de toute pénalité comme de tout dédain, — affirme outre mesure en quelle désespérante inanité s’aplatissent les révolutions ? Et, pour conclure, comment ne pas comprendre, sans effort, qu’étant donnée la loi de l’innée disproportion des intelligences, en leur diversité d’aptitudes, le prétendu règne d’une Justice purement humaine ne saurait être jamais que la tyrannie du Médiocre, s’autorisant, gaiement, de quoi ? du nombre ! pour imposer l’abaissement à ceux dont le génie, consti-