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génie, ce qu’ils t’ont donné en puissance ; ils ont ajouté la pauvreté, pour grandir mes pensées. Je les remerciais donc, chaque jour, de tant de faveurs, et vivais paisible, sans désirs, — lorsqu’un soir, sur la terrasse élevée de ton palais, au-dessus des jardins, dans les airs argentés par la lune, j’ai vu ta fille Li-tien-Së, — qu’encensaient, à ses pieds les fleurs diaprées des grands arbres, au vent de la nuit. — Depuis ce soir-là, mon pinceau n’a plus tracé de caractères, et je sens en moi qu’elle aussi songe au rayonnement dont elle m’a pénétré !… Lassé de languir, préférant fût-ce la plus affreuse mort au supplice d’être sans elle, j’ai voulu, par un trait héroïque, d’une subtilité presque divine, m’élever, moi, passant, ô roi ! jusqu’à elle, ta fille !

Tchë-Tang, sans doute par un mouvement d’impatience, appuya son pouce sur l’œil du dragon. Les deux battants d’une porte roulèrent sans bruit devant Tsë-i-la, lui laissant voir l’intérieur d’un cachot voisin.

Trois hommes, en habits de cuir, s’y tenaient près d’un brasier où chauffaient des fers de torture. De la voûte tombait une corde de soie, solide, s’effilant en fines tresses et sous laquelle brillait une petite cage d’acier, ronde, trouée d’une ouverture circulaire.

Ce que voyait Tsë-i-la, c’était l’appareil de la Mort terrible. Après d’atroces brûlures, la victime était suspendue en l’air, par un poignet, à cette corde de soie, — le pouce de l’autre main attaché, en