Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.

étaient possibles et raisonnables, les accepterais-tu pour divins, puisque toi, poussière, tu pourrais les mesurer d’une pensée ? Si donc ils sont absurdes et impossibles, ils sont précisément ce qu’ils doivent être, et, comme l’enseigne Tertullien, c’est tout d’abord par cela qu’ils présentent la première garantie de leur vérité : leur absurdité humaine est le seul point lumineux qui les rende accessibles à notre logique d’un jour, sous condition de la Foi. Purifie donc, à jamais, ton âme de cette taie d’orgueil qui, seule, la sépare de la vue de Dieu ; cesse d’être humaine, sois divine. Le monde nous traite en insensés qui s’illusionnent jusqu’à sacrifier leurs jours pour un puéril rêve, pour l’ombre d’un ciel imaginé. — Mais, quel homme, son heure venue, ne reconnaît avoir dépensé sa vie en rêves amers jamais atteints, en vanités qui le déçurent, en successives désillusions, lesquelles, même, n’eurent de réalité, sans doute, qu’en son esprit ? Dès lors, de quel droit le monde le prendrait-il de si haut quand bien même il nous plairait de préférer, sciemment, le songe sublime de Dieu aux mortels mensonges de la terre ?… Quoi ! nos cœurs sont réchauffés, notre sérénité se fait profonde et sans alarmes, le Ciel, deviné, nous pénètre, dès ici, d’un bienheureux amour, la prière devient, pour nous, une vision,