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très ancienne statue de chevalier, Sara s’est redressée, au centre de tout ce rayonnement où se multiplie, en mille et mille réfractions, la double flamme funéraire de la lampe et du vacillant flambeau ; — puis, toujours pâle, grave et les paupières abaissées, apparaissant, ainsi, vêtue de deuil, en cette effusion de splendeurs, elle achève de murmurer sa familiale devise que cette éruption terrible de trésors vient d’interrompre :

perfulget sola !

Étendant, ensuite, la main devant elle, elle soulève, au hasard, une poignée de grands colliers de diamants et semble mirer, un moment, son visage et ses yeux dans leur onde radieuse.
Cependant, au vague pressentir, sans doute, d’une présence dans la salle, elle détourne les yeux vers les statues et aperçoit, dans l’ombre, Axël qui se tient debout contre un sépulcre et la considère en silence.
Rapide, elle a laissé tomber les pierreries : elle rejette, d’un mouvement, sur son épaule, le pli de sa mante de soie noire : — à sa ceinture luisent deux fins pistolets d’acier. Saisissant l’un d’eux, elle ajuste, prompte, le comte d’Auërsperg, fait feu — et lance, au loin, son arme fumante.
Axël, blessé, se précipite vers elle ; mais, déjà, de son autre arme, elle le vise attentivement : second coup de feu.
Encore atteint, mais toujours du seul effleurement des balles qui lui ont sillonné la poitrine, Axël a rejoint Sara ; la jeune fille, le poignard bien au poing, l’attend, prête à bondir, svelte et mortelle, cette fois, en l’élan même qu’il va prendre.