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Ciel, avec une seule âme !… Sara, vois le ciel étoilé au fond de mes yeux : — là, s’éloignent des cieux toujours étoilés ! — Laisse-toi venir ! Je veux te parer moi-même comme une fiancée divine, une épouse ineffable, un être céleste. La douleur m’a rendue charmante et tu ne me repousseras plus avec tristesse, si tu me regardes. Quelles paroles trouver pour te fléchir ? Sara, Sara !

Taciturne, Sara décroise les bras : son front s’incline sur celui de la novice. Celle-ci lui prend la main. Toutes deux traversent le sanctuaire.

D’une voix oppressée, plus basse encore et soudaine : Oh ! n’appuie pas ton front !… mes genoux chancellent !

Sara s’est redressée et, soutenant, d’une main, sœur Aloyse devenue blanche comme son voile, toutes deux sortent, lentement, par l’abside latérale.
L’Abbesse, debout, adossée à un pilier, pensive et les suivant des yeux

C’en est fait ! l’enfant éprouve déjà les ravissements et les enivrances de l’Enfer ! Séduction des anges de ténèbres ! L’excessive, la dangereuse beauté de Sara trouble et inquiète de son scandale ce cœur élu. Réfléchissant : Sœur Aloyse lui coupera les cheveux cette nuit ; elle restera sans voile, et ainsi dénudée, jusqu’à l’Épiphanie.