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séder le monde ! Tu veux aussi « acheter » comme les humains, et passer des contrats, agiter des papiers — pour être sûr que tu possèdes une chose ! Ainsi, tu ne te croirais le maître d’un palais par toi contemplé, que si tu devenais, par un traité, le prisonnier de ses pierres, l’esclave de ses valets, l’envie de ses hôtes roulant vers toi des yeux vides ! Alors que tu devrais pouvoir y entrer et que, devant ta seule présence, et ton souverain regard, tous les serviteurs viendraient t’obéir — et que le prétendu « maître » de ce même palais, leur dirait en balbutiant, et incliné devant la lumière de ta face : — « Adressez-vous à lui. » — La maladie de la Jeunesse te trouble-t-elle au point de l’avoir oublié ? — Eh bien, si c’est son ivresse qui te dirige, certes, il est aussi salubre, pour toi, de posséder de sonnantes pièces d’or que des sentences d’illuminé. Si tu peux porter une bourse, il faut la remplir. Mais, voici qu’il faut te décider, puisque te voici déchu jusqu’à pouvoir choisir : détermine-toi. Dis si tu es libre seulement d’exclure de ta pensée la vaine obsession de cet or ? — Tu hésites ? tu vois bien que tu n’es pas libre, n’étant pas délivré.

Axël

Les rameaux sont froids de l’Arbre de la Science :