Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/230

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour affermir la longue marche ! — À quoi m’auraient servi tant de veilles, d’études, — tant de pensées, hélas ! si j’étais sans avoir même acquis le pouvoir de refouler…

Maître Janus

Ici tu es l’hypocrite de ton propre espoir. Autour d’un corps sensuel, le Manteau s’effrange, s’élime et se troue, laissant passer le vent des sépulcres ; dans la main gauche de l’Impudique, la Lampe vacille et décroît, prête à s’éteindre : en la droite de l’Initié qui s’éloigne, le Bâton d’appui s’allège, devenant une branche de bois mort. S’autoriser de l’immunité d’un mérite pour tenter, impunément, des actions inférieures, est-ce donc avoir mérité ? — Si ton esprit est investi d’une force et d’une lueur saintes, cesse à jamais d’admettre, avec complaisance, en lui, la présence de telles pensées. — À chacune de tes idées, même ainsi oiseuses, tu infuses de ton être, et cette idée, par cela même, devient l’un des virtuels moments de l’Apparaître-futur que ta vie enfante et que la Mort te contraindra d’incorporer. Car les entités vibrent en l’infinie gestation de ce qui les totalise, et la Mort met au monde-absolu. Ton existence n’est que l’agitation de ton être en l’occulte utérus où s’élabore ton futur définitif, — ta concep-