Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ce fut donc les yeux en pleurs, en songeant que cette âme si ferme s’excluait du salut, que le vénérable Pedro Arbuez d’Espila, s’étant approché du rabbin frémissant, prononça les paroles suivantes :

— Mon fils, réjouissez-vous : voici que vos épreuves d’ici-bas vont prendre fin. Si, en présence de tant d’obstination, j’ai dû permettre, en gémissant, d’employer bien des rigueurs, ma tâche de correction fraternelle a ses limites. Vous êtes le figuier rétif qui, trouvé tant de fois sans fruit, encourt d’être séché… mais c’est à Dieu seul de statuer sur votre âme. Peut-être l’infinie Clémence luira-t-elle pour vous au suprême instant ! Nous devons l’espérer ! Il est des exemples… Ainsi soit ! — Reposez donc, ce soir, en paix. Vous ferez partie, demain, de l’auto da fé : c’est-à-dire que vous serez exposé au quemadero, brasier prémonitoire de l’éternelle Flamme : il ne brûle, vous le savez, qu’à distance, mon fils, et la Mort met