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Hélas ! n’est-ce pas dommage qu’on n’ait pas les photographies de tout ce monde-là ? ― Quel album !

Et en Histoire naturelle ? En paléontologie, surtout ! ― Il est hors de doute que nous nous faisons une idée très défectueuse du mégathérium, par exemple, ― de ce pachyderme paradoxal, ― et que nos conceptions du ptérodactyle, cette chauve-souris, ce chéroptère géant, ― du plésiosaure, ce patriarche monstrueux des sauriens, ― sont, pour ainsi dire, enfantines. Ces intéressants animaux s’ébattaient ou voletaient, cependant, leurs squelettes l’attestent, à cette place même où je rêve aujourd’hui, ― et ce, voici à peine quelques centaines de siècles, moins que rien ; ― quatre ou cinq fois moins que l’âge du morceau de craie avec lequel je pourrais l’écrire sur une ardoise.

La Nature a bien vite passé l’éponge de ses déluges sur ces ébauches informes, sur ces premiers cauchemars de la Vie ! Que de curieuses épreuves il y aurait eu à prendre de toutes ces bêtes, cependant ! ― Hélas, visions disparues !

Le physicien soupira.

― Oui, oui, tout s’efface, en effet ! reprit-il ; ― même les reflets sur le collodion, même les pointillés sur les feuilles d’étain. Vanité des vanités ! tout est, bien décidément, vanité. Ce serait à se briser l’objectif, à se faire sauter le phonographe, à se demander ― les yeux aux voûtes (purement apparentes, d’ailleurs), du ciel, ― si la location de ce pan de l’Univers nous est gratuite et qui en solde le luminaire ? ― qui, en un mot, nous avance les frais de cette Salle si peu solide où se joue le vieux logogriphe ― et, enfin, d’où l’on s’est pro-