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mes formules générales, dues à quelque peu d’intégral, et qui, seules, m’ont coûté de longues fatigues, tout ce curieux et minutieux travail de réfraction n’est ni ardu ni malaisé ; cela va tout seul ! Au moment de forclore l’armure, il y a quelques jours, et d’appliquer, peu à peu, d’abord par poudre, puis couche par couche, l’illusionnelle carnation, sur les mille si capillaires inducteurs dont l’étincelant duvet métallique traversait les jours imperceptibles de cette armure, à ce moment, dis-je, Hadaly, ― perdue encore en ces limbes, ― avait répété, devant moi, d’une manière irréprochable, toutes les scènes qui constituent le mirage de son être mental.

Mais aujourd’hui, toute la journée, tantôt ici même, tantôt dans le parc, la répétition définitive ― que j’ai contemplée entre elle, vêtue comme son modèle et Sowana, m’a confondu !

C’était l’Humanité idéale, ― moins ce qui est innommable en nous, moins ce dont il est impossible, en ces instants-là, de contrôler l’absence en Hadaly. J’étais, je l’avoue, enthousiasmé comme un poète. Quelles paroles de mélancolie, réalisant la volupté du rêve ! Quelle voix, quelle profondeur pénétrante en ces yeux ! quels chants ! quelle beauté de déesse oubliée ! quels enivrants lointains d’âme féminine ! quels appels inconnus vers un impossible amour ! Sowana, d’un frôlis de bagues, transfigurait cette évocatrice de songes enchantés. ― Oui, ce sont bien, je vous l’ai dit, les premiers, parmi les plus lumineux esprits entre les grands poètes et les penseurs de ce siècle, qui ont écrit ces étonnantes et admirables scènes.