sidéra de la tête aux pieds, à droite et à gauche, puis en face.
Il lui prit la main : c’était la main d’Alicia ! Il respira le cou, le sein oppressé de la vision : c’était bien Alicia ! Il regarda les yeux… c’étaient bien les yeux… seulement le regard était sublime ! La toilette, l’allure,… ― et ce mouchoir dont elle essuyait, en silence, deux larmes sur ses joues liliales, ― c’était bien elle encore… mais transfigurée ! devenue, enfin, digne de sa beauté même : l’identité idéalisée.
Hors d’état de se ressaisir, il ferma les yeux : puis, de la paume de sa main fiévreuse, essuya quelques gouttes de sueur froide sur ses tempes.
Il venait de ressentir, à l’improviste, ce qu’éprouve un voyageur qui, perdu dans une ascension au milieu des montagnes, ayant entendu son guide lui dire à voix basse : « Ne regardez pas à votre gauche ! » ― n’a pas tenu compte de l’avertissement, et aperçoit, brusquement, au bord de sa semelle, à pic, l’un de ces gouffres aux profondeurs éblouissantes, voilées de brume, et qui ont l’air de lui rendre son regard en le conviant au précipice.
Il se dressa, maudissant, pâle et dans une angoisse muette. Puis il se rassit, sans proférer une parole et remettant à plus tard toute détermination.
Ainsi, sa première palpitation de tendresse, d’espérance et d’ineffable amour, on la lui avait ravie, extorquée : il la devait à ce vain chef-d’œuvre inanimé, de l’effrayante ressemblance duquel il avait été la dupe.