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IV

Par un soir d’éclipse


Mais un soir d’automne, ― comme l’air dormait immobile et bas dans le ciel, ― ma bien-aimée m’appela vers elle. Un voile de brume pesait sur la terre et à voir les splendeurs d’octobre dans le feuillage de la forêt et le chaud embrasement du soir sur les eaux, on eût dit qu’un bel arc-en-ciel s’était laissé choir du firmament.

« Voici le jour des jours ! dit-elle, quand je m’approchai : le plus beau des jours pour vivre et pour mourir ! C’est un beau jour, pour les fils de la terre et de la vie !… Ah ! plus beau, ― plus beau encore, ― pour les filles du Ciel et de la Mort ! »

Edgar Allan Poe, Morella.


L’un des derniers soirs de cette troisième semaine, au tomber de la brune, lord Ewald descendit de cheval devant le portail d’Edison, et, s’étant nommé, pénétra dans l’allée des jardins qui conduisait au laboratoire.

Dix minutes auparavant, comme il attendait, en parcourant les journaux, que rentrât miss Alicia Clary, le jeune homme avait reçu le télégramme suivant :

« Menlo Park : Lord Ewald 7 ― 8 ― 5 h. 22 minutes, Soir : ― Mylord, voulez-vous m’accorder quelques instants ? ― Hadaly. »

Sur quoi lord Ewald avait donné l’ordre qu’on sellât son poney.

C’était au déclin d’une orageuse après-midi ; l’on eût dit que la nature s’accordait avec l’événement attendu : Edison semblait avoir choisi son heure.

C’était le crépuscule d’une journée d’éclipse. À l’Occident, des rais d’une aurore boréale allon-