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Certes, nous ne savons que trop, l’un et l’autre, que les êtres d’élection sont clairsemés en notre espèce et qu’après tout, cette personne-ci, moins sa splendeur corporelle, correspond à des millions et à des millions d’autres de même nature, ― entre lesquelles et leurs fortunés possesseurs l’intellectuelle inattention, pour plusieurs motifs, est à l’état réciproque.

Aussi, suis-je si peu difficile en ce que l’on doit attendre, intellectuellement, d’une femme, ― même « supérieure », que, ― si celle-ci était simplement douée de la plus minime éventualité de tendresse, même animale, pour quelqu’être que ce soit, fût-ce pour un enfant, j’estimerais sacrilège l’œuvre projetée entre nous.

Mais, vous venez de constater l’endémique, l’incurable, l’égoïste aridité, qui, jointe à sa suffisance fastidieuse, anime cette forme surnaturelle et il est devenu constant, pour nous, que son triste moi ne peut rien aimer, n’ayant pas, en sa trouble et rétive entité, de quoi ressentir le seul sentiment qui complète l’être vraiment humain.

En vain son « cœur » s’aigrit-il, peu à peu, sous le fade ennui que ses « idées » répandent autour d’elle ― et qui ont l’exécrable propriété de revêtir d’un reflet de leur essence tout ce qu’elle approche… et jusqu’à sa beauté, à mes yeux ? Même en lui arrachant la vie, on ne lui arracherait pas sa sourde, opaque, finassière, restreignante et pitoyable médiocrité. Elle est ainsi faite : et je ne sache qu’un Dieu seul qui, sollicité par la Foi, puisse modifier l’intime d’une créature.

Or, pourquoi préféré-je me délivrer, fût-ce d’une