Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les pas du professeur sonnaient sur les dalles : le crépuscule, autour de lui, s’approfondissait.

― Qu’ai-je à phonographier, aujourd’hui, sur la terre ? gémissait-il sarcastiquement : on pourrait, en vérité, croire que le Destin n’a permis à mon instrument d’apparaître qu’au moment où rien de ce que dit l’Homme ne semble plus guère valoir la peine d’être conservé…

― Après tout, que m’importe ! Inventons ! inventons ! ― Qu’importe le son de la voix, la bouche qui prononce, le siècle, la minute où telle idée s’est révélée, puisque toute pensée n’est, de siècle en siècle, que selon l’être qui la réfléchit ? Ceux-là qui ne sauront jamais lire, auraient-ils su jamais entendre ?… Ce n’est pas d’entendre le son, mais l’En dedans créateur de ses vibrations même, ― ces voiles ! ― qui est l’essentiel.


VI

Des bruits mystérieux


Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende !
Nouveau Testament.


Ce disant, Edison alluma tranquillement un second cigare.

― Il ne faut donc pas s’exagérer le désastre, reprit-il en continuant sa promenade et en fumant dans l’obscurité.

S’il est regrettable, en effet, que le son authentique et originel des paroles célèbres n’ait pas été retenu par le Phonographe, je trouve, en y réfléchissant, qu’étendre ce regret jusqu’aux bruits