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totales des émanations corporelles de cette jeune femme, et ceci des pieds à la tête, en isolant chacune des parties transpirantes.

Puis il en analysera, chez lui, les précipités, à tête reposée. Une fois les équivalents chimiques relevés, il réduira simplement en formules les divers parfums de cette aimable créature. ― Nul doute qu’il n’arrive à des approximations infinitésimales, à un dosage tout à fait exact.

Ce résultat bien obtenu, on le fluidifie et l’on en sature la Carnation par un procédé de volatilisation, le tout membre à membre et en se conformant aux nuances de la Nature, ― comme, avons-nous dit, un habile parfumeur sature une fleur artificielle de l’odeur correspondante. ― Ainsi, le bras d’en haut est embaumé du tiède et personnel parfum de son modèle.

Dès lors, la Carnation, ainsi imbue de ces parfums et ceux-ci une fois recouverts par l’Épiderme, y demeurent plus indélébiles qu’en un sachet. Le reste, l’Idéal, vous le fournirez vous-même. Et je vous dis que ce diable de Samuelson a trompé, déjà plusieurs fois, sous mes yeux, l’odorat d’un animal, à force de vérité dans ses dosages : je l’ai vu contraindre un basset à s’acharner, en aboyant, et à mordre sur un morceau de chair-artificielle frotté des simples équivalents chimiques du fumet d’un renard !

Un nouvel accès d’hilarité, chez lord Ewald, interrompit l’électricien.

― Ne faites pas attention, mon cher Edison, s’écria-t-il ; continuez ! continuez. C’est merveilleux !