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― Improviser !… s’écria Edison : vous croyez donc que l’on improvise quoi que ce soit ? qu’on ne récite pas toujours ? ― Mais, enfin, lorsque vous priez Dieu, est-ce que tout cela n’est pas réglé, jour par jour, dans ces livres d’oraisons qu’enfant vous avez appris par cœur ? En un mot ne lisez-vous pas, ou ne récitez-vous pas, toujours, les mêmes prières du matin et du soir, lesquelles ont été composées, une fois pour toutes et pour le mieux, par ceux qui ont eu qualité pour cela ? et qui s’y entendaient ? ― Est-ce que notre Dieu, lui-même, enfin, ne vous en a pas donné la formule en vous disant : « Quand vous prierez, vous prierez, comme ceci ! etc ? » ― Est-ce que, depuis bientôt deux mille années, toutes les autres prières sont autres choses que de pâles dilutions de celle qu’il nous a léguée ?

Même dans la vie, est-ce que toutes les conversations mondaines n’ont pas l’air de fins de lettres ?

En vérité, toute parole n’est et ne peut être qu’une redite : ― et il n’est pas besoin de Hadaly pour se trouver, toujours, en tête-à-tête avec un fantôme.

Chaque métier humain a son ensemble de phrases, ― où chaque homme tourne et se vire jusqu’à la mort : et son vocabulaire, qui lui semble si étendu, se réduit à une centaine, au plus, de phrases types, constamment récitées.

Certes, vous n’avez jamais eu le souci ni pris le plaisir de calculer, par exemple, la somme d’heures qu’un perruquier de soixante ans, ayant commencé son métier à dix-huit ans, a dépensée à