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deur dépendent, simplement, de ce à quoi ils répondent !

Un exemple : je suppose qu’une parole solitaire… le mot « déjà ! » soit le mot que devra prononcer, ― en tel instant, ― l’Andréïde. Je prends ce seul mot, au lieu de n’importe quelle phrase. Vous attendez cette parole, qui sera dite avec la voix douce et grave de Miss Alicia Clary et accompagnée de son plus beau regard perdu en vos yeux.

Ah ! songez à combien de questions ou de pensées ce seul mot peut répondre magnifiquement ! Ce sera donc à vous d’en créer la profondeur et la beauté dans votre question même.

C’est ce que vous essayez de faire, dans la vie, avec la vivante : seulement, lorsque c’est ce même mot que vous en attendez, en telle circonstance où il serait d’une si noble harmonie avec votre pensée que vous voudriez pouvoir le souffler, pour ainsi dire, à cette femme, jamais celle-ci ne le prononce. Ce sera toujours une dissonance amère, une autre parole, enfin, que son naturel judicieux lui dictera, pour vous serrer le cœur.

Eh bien, avec l’Alicia-future, l’Alicia réelle, l’Alicia de votre âme, vous ne subirez plus ces stériles ennuis… Ce sera bien la parole attendue ― et dont la beauté dépendra de votre suggestion même, ― qu’elle répondra ! Sa « conscience » ne sera plus la négation de la vôtre, mais deviendra la semblance d’âme que préférera votre mélancolie. Vous pourrez évoquer en elle la présence radieuse de votre seul amour, sans redouter, cette fois, qu’elle démente votre songe ! Ses paroles ne décevront jamais votre espérance ! Elles seront