Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/213

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Evelyn Habal, j’imagine que vous allez revenir sur cette impression ; car, en fait de personne défectueuse jusqu’au paradoxe, c’était, au contraire, l’effigie, la pièce d’or, l’étalon-type suprême, dont les autres femmes de son genre ne peuvent être, Dieu merci, que la pâle monnaie ! Voyez, plutôt.

Hadaly, à cette parole, élevant sa torche au-dessus de sa tête voilée, se tint debout, à côté du sombre tiroir, comme une statue auprès d’un sépulcre.


V

Exhumation


Lugete, ô Veneres, Cupidinesque !
Catulle.


― Voici, nasillait Edison avec la voix d’un commissaire-priseur : voyez : Ici reposent la ceinture de Vénus, l’écharpe des Grâces, les flèches de Cupidon.

Voici, d’abord, la chevelure ardente de l’Hérodiade, le fluide métal stellaire, les lueurs de soleil dans le feuillage d’automne, le prestige de l’ombre vermeille sur la mousse, ― le souvenir d’Ève la blonde, l’aïeule jeune, l’éternellement radieuse ! Ah ! secouer ces rayons ! quelle ivresse ? Hein !

Et il secouait, en effet, dans l’air, une horrible queue de nattes postiches et déteintes, où l’on voyait des fils d’argent réapparaître, des crêpés violacés, un sordide arc-en-ciel de poils que travaillait et jaunissait l’action des acides.

― Voici le teint de lis, les roses de la pudeur