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donnent pas tant de peine ― et sont infiniment moins dangereuses ; leur mensonge n’étant jamais total ! La plupart, même, sont douées d’une simplicité qui les rend accessibles à quelques sensations élevées, ― à des dévoûments, même ! ― Mais celles-là seules qui peuvent avilir à ce point et jusqu’à ce dénouement un homme tel qu’Anderson, ne peuvent pas être belles, dans un sens acceptable du mot.

S’il s’en trouve qui semblent belles, au premier regard, j’affirme que leurs visages ou leurs corps doit, immanquablement, offrir quelques traits infâmes, abjects, qui démentent le reste et où se traduit leur être : la vie et les excès renforcent, bientôt, ces difformités ― et ce qu’il faut dire, maintenant, c’est qu’étant donné le genre de passion qu’elles allument, lorsque ce genre de passion doit amener ces moroses conséquences, ce n’est nullement de leur illusoire beauté que provient, sur leur amant, leur pernicieux pouvoir ! mais bien de ces seuls traits odieux qui font, seulement, tolérer, à cet amant, le peu de beauté convenue qu’ils déshonorent. Le passant peut désirer ces femmes pour ce peu de beauté : leur amant ? jamais.

«  ― Ces femmes sont jolies ! » promulguent encore nos penseurs.

Même en accordant le sens tout relatif de ce mot, ce que l’on n’ajoute pas, c’est qu’on ignore à quel prix elles le sont dès qu’elles ont fait trois pas dans la vie, hors de la prime jeunesse. Et je prétends que le prix fait quelque chose à l’affaire, cette fois.

Car le joli de leurs personnes ne tarde pas à devenir d’une qualité le plus souvent artificielle, et