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seraient incrustées, aujourd’hui, ne varietur, ― (sic), ― textuelles, enfin, sur les feuilles de mon cylindre, puisque son prodigieux perfectionnement permet de recueillir, dès à présent, les ondes sonores à distance !… Et ces paroles y seraient enregistrées avec le ton, le timbre, l’accent du débit et même les vices de prononciation de leurs énonciateurs.

Sans prétendre au cliché galvanoplastique du « Fiat lux ! » exclamation proférée, paraît-il, voici tantôt soixante-douze siècles (et qui, d’ailleurs, à titre de précédent immémorial, controuvée ou non, eût échappé à toute phonographie), peut-être m’eût-il été permis, ― par exemple, un peu après la mort de Lilith et pendant le veuvage d’Adam, ― de saisir et d’empreindre, dissimulé derrière quelque fourré de l’Eden, tout d’abord le sublime soliloque : ― « Il n’est pas bon que l’Homme soit seul ! » ― puis l’Eritis sicut dii ! le Croissez et multipliez !… enfin le sombre quolibet d’Elohim : Voici Adam devenu comme l’un de nous : ― etc !… Plus tard, une fois le secret de ma plaque vibrante bien répandu, n’eût-il pas été doux à mes successeurs de phonographier, au fort du paganisme, par exemple le fameux : À la plus belle !… le Quos ego !… les Oracles de Dodone, ― les Mélopées des Sybilles ?… etc. Tous les dires importants de l’Homme et des Dieux, à travers les âges, eussent été gravés ainsi, d’une manière indélébile, en de sonores archives de cuivre : de sorte qu’ultérieurement le doute n’eût jamais été possible sur leur authenticité.

Même parmi les bruits du passé, combien de sons mystérieux ont été perçus par nos prédé-