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Le dénouement de l’inclination chorégraphique de mon ami Anderson m’affecta, toutefois, si profondément, ― me frappa d’une manière si vive, ― que je me sentis obsédé par l’idée d’analyser, d’une façon exacte, la nature des séductions qui avaient su troubler ce cœur, ces sens et cette conscience ― jusqu’à les conduire à cette fin.

N’ayant jamais eu l’heur de voir de mes deux yeux la danseuse de mon ami Edward, je prétendis deviner d’avance et, simplement, d’après son œuvre, par un calcul de probabilités, ― de pressentiments, si vous préférez, ― ce qu’elle était au physique. Certes, je pouvais aberrer, comme on dit, je crois, en astronomie. Mais j’étais curieux de savoir si je tomberais juste, en partant d’une demi-certitude. Bref, je prétendis deviner cela, ― tenez par un motif analogue, si vous voulez, à celui qui détermina Leverrier à dédaigner toujours d’appuyer son œil à la lentille d’un télescope, le calcul qui prédit, à une minute près, l’apparition de Neptune, ainsi que le point précis de l’éther où l’astre est nécessité, donnant une clairvoyance beaucoup plus sûre que celle de tous les télescopes du monde.

Miss Evelyn me représentait l’x d’une équation des plus élémentaires, après tout, puisque j’en connaissais deux termes : Anderson et sa mort.

Plusieurs élégants de ses amis m’avaient affirmé, (sur l’honneur !) que cette créature était bien la plus jolie et la plus amoureuse enfant qu’ils eussent jamais convoitée en secret sous le ciel. Par malheur, (voyez comme je suis !), je ne leur reconnaissais aucune qualité pour avancer, même sous