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les figurantes du ballet. L’ayant lorgnée une seconde, il reporta son attention sur la pièce.

À l’entr’acte, il ne pouvait guère se dispenser de suivre ses deux amis. Les fumées du sherry l’empêchèrent même de se rendre bien compte d’une chose : ils allaient sur la scène.

Il n’avait jamais vu de scène : c’était une curiosité : ce spectacle l’étonna beaucoup.

L’on rencontra miss Evelyn, la jolie rousse. Ces messieurs l’ayant accostée, échangèrent avec l’aimable enfant quelques banalités de circonstance, plus ou moins plaisantes. Anderson, distrait, regardait autour de lui sans consacrer la moindre attention à la danseuse.

L’instant d’après, ses amis, mariés depuis plus longtemps, ayant double ménage comme il est de mode, parlèrent, tout naturellement, d’huîtres et d’une certaine marque de vin de Champagne.

Cette fois, Anderson déclina, comme de raison, et allait prendre congé, malgré les affables insistances de ces messieurs, lorsque l’absurde souvenir de sa petite pique du matin, exagérée par l’excitation ambiante, lui revint en mémoire.

« Mais, au fait, à présent, mistress Anderson devait être endormie, déjà ?

« Rentrer un peu plus tard était même préférable ? Voyons ? ― Il s’agissait de tuer une ou deux heures ! ― Quant à la compagnie galante de miss Evelyn, c’était l’affaire de ses amis, non la sienne. Il ne savait même pourquoi cette fille lui déplaisait assez, physiquement.

« L’imprévu de la fête nationale couvrait, à la