Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.

stupéfier l’homme le plus « positif, » comme dirait une personne dont nous avons parlé ce soir.

Edison regarda le jeune Anglais sans répondre tout d’abord.

― Permettez-moi de sauvegarder le secret de Hadaly, du moins pendant quelque temps, ― répondit-il.

Lord Ewald s’inclina légèrement : puis, en homme qui, enveloppé de merveilles, renonce désormais à s’étonner de rien, but le verre de sherry, le reposa vide sur un guéridon, jeta son cigare éteint, en prit un nouveau dans la boîte du plateau de Hadaly, l’alluma paisiblement à une fleur lumineuse, à l’exemple d’Edison, ― puis s’assit sur l’un des tabourets d’ivoire, attendant que l’un ― ou l’autre ― de ses hôtes voulût bien prendre la peine d’entrer dans quelque éclaircissement.

Mais Hadaly s’était accoudée, de nouveau, sur son piano noir.

― Voyez-vous ce cygne ? reprit Edison : il a, en lui, la voix de l’Alboni. Dans un concert, en Europe, à l’insu de la cantatrice, j’ai phonographié, sur mes nouveaux instruments, la prière de la Norma, « Casta diva », que chantait cette grande artiste. ― Ah ! que je regrette de n’avoir pas été de ce monde au temps de la Malibran !

Les timbres-vibrants de tous ces soi-disants volatiles sont montés comme des chronomètres de Genève. Ils sont mis en mouvement par le fluide qui court à travers les rameaux de ces fleurs.

Ils contiennent, dans leurs petits volumes, une énorme sonorité, surtout si nous la multiplions par mon Microphone. Cet oiseau de Paradis pourrait,