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préluda seul, en de riches harmonies : les touches s’abaissaient comme sous des doigts invisibles.

Et la voix douce de l’Andréïde, ainsi accompagnée, se mit à chanter, sous le voile, avec des inflexions d’une féminéïté surnaturelle :

 
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Lord Ewald, à ce chant inattendu, se sentit envahir par une sorte de surprise terrible.

Alors, sur les versants en fleurs, une scène sabbatique, d’une absurdité à donner le vertige et qui présentait une sorte de caractère infernal, commença.

D’affreuses voix de visiteurs quelconques s’échappaient, à la fois, du gosier de ces oiseaux : c’étaient des cris d’admiration, des questions banales ou saugrenues, ― un bruit de gros applaudissements, même, d’assourdissants mouchoirs, d’offres d’argent.

Sur un signe de Hadaly, cette reproduction de la Gloire à l’instant même s’arrêta.

Lord Ewald reporta ses yeux sur l’Andréïde, en silence.

Tout à coup, la voix pure d’un rossignol s’éleva dans l’ombre. Tous les oiseaux se turent, comme ceux d’une forêt, aux accents du prince de la nuit. Ceci semblait un enchantement. L’oiseau éperdu chantait donc sous terre ? Le grand voile noir de Hadaly lui rappelait sans doute la nuit, et il prenait la lampe pour le clair de lune.