Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Une longue table, taillée en un dur porphyre, placée sous la grande lampe de vermeil, en buvait les rayons ; à l’une de ses extrémités était fixé un coussin de soie, pareil à celui qui supportait, en haut, le bras radieux. Une trousse garnie d’instruments de cristal brillait tout ouverte, sur une tablette d’ivoire qui se trouvait à proximité.

Dans un angle éloigné, un brasero de flammes artificielles, réverbéré par des miroirs d’argent, chauffait ce séjour splendide.

Aucun meuble, sinon une dormeuse de satin noir, un guéridon entre deux sièges, ― un grand cadre d’ébène tendu d’étoffe blanche et surmonté d’une rose d’or, sur une des parois du mur, à hauteur de la lampe.


III

Chant des oiseaux


Ni le chant des oiseaux matineux,
ni la nuit et son oiseau solennel…

Milton, Le paradis perdu.


Sur le parterre vertical des talus fleuris, une foule d’oiseaux, balancés sur des corolles, raillaient la Vie au point, les uns, de se lustrer d’un bec factice et de se duyser la plume ; les autres, de remplacer le ramage par des rires humains.

À peine lord Ewald se fut-il avancé de quelques pas, que tous les oiseaux tournèrent la tête vers lui, le regardèrent, d’abord, silencieusement, puis éclatèrent, tous à la fois, d’un rire où se mêlaient des timbres de voix viriles et féminines : si bien qu’un instant il se crut en face d’une assemblée humaine.