— Diable ! Faites entrer.
L’instant d’après apparaît notre jeune ami.
Le directeur se lève et de sa voix la plus engageante :
— C’est bien à un inconnu que j’ai l’honneur de parler ? murmure-t-il.
— Jamais je n’eusse osé me présenter sans ce titre, répond le soi-disant plumitif.
— Veuillez bien prendre la peine de vous asseoir.
— Je viens vous offrir une petite chronique d’actualité, — un peu leste, naturellement…
— Cela va sans dire. Venons au fait. Votre prix serait de combien la ligne ?
— Mais, de 3 francs à 3 fr. 50 ? N’est-ce pas ? répond, gravement, le néophyte.
(Soubresaut du directeur.)
— Permettez : le « Montépin », le « Hugo » même, le « du Terrail » enfin, ne se payent pas ce taux-là ! réplique-t-il.
Le jeune homme se lève et, d’un ton froid :
— Je vois que monsieur le directeur oublie que je suis to-ta-le-ment inconnu ! dit-il.
Un silence.
— Rasseyez-vous, je vous prie. Les affaires ne se traitent pas comme cela. Je ne disconviens pas que, par le temps qui court, un inconnu ne soit, en effet, un oiseau rare ; toutefois…
— J’ajouterai, monsieur, — interrompt, d’un ton dégagé, l’aspirant écrivain, — que je suis, oh ! mais sans l’ombre de talent, d’une absence de talent…