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en y reconduisant le cheval ; total, deux heures. Il en est sept : je vous quitte à l’instant.

— Je vous accompagnerai un peu, dit le prêtre : cette promenade me sera salutaire.

— À propos, lui répondis-je, préoccupé, voici l’adresse de mon père (chez qui je demeure à Paris,) si nous devons nous écrire.

Nanon prit la carte et l’inséra dans une jointure de la glace.

Trois minutes après, l’abbé et moi nous quittions le presbytère et nous nous avancions sur le grand chemin. Je tenais mon cheval par la bride, comme de raison.

Nous étions déjà deux ombres.

Cinq minutes après notre départ, une bruine pénétrante, une petite pluie, fine et très froide, portée par un affreux coup de vent, frappa nos mains et nos figures.

Je m’arrêtai court :

— Mon vieil ami, dis-je à l’abbé, non ! décidément, je ne souffrirai pas cela. Votre existence est précieuse et cette ondée glaciale est très malsaine. Rentrez. Cette pluie, encore une fois, pourrait vous mouiller dangereusement. Rentrez, je vous en prie.

L’abbé, au bout d’un instant, songeant à ses fidèles, se rendit à mes raisons.

— J’emporte une promesse, mon cher ami ? me dit-il.

Et, comme je lui tendais la main :

— Un instant ! ajouta-t-il ; je songe que vous avez