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acteurs et le lieu de l’action. L’Empire du Soleil Levant a laissé trop clairement percer, au traité de Chimonosaki, son ambition d’évincer les Européens du monde jaune. Il s’est campé contre la Chine, en Prusse du Pacifique. Or, le monde savait trop quel prix lui a coûté son apathie à l’égard de la Prusse européenne pour ne pas se réveiller en face de sa contrefactrice et lui signifier un catégorique « Halte-là ! » El puis, si le Mikado n’a à sa disposition ni la flotte de sa Très Gracieuse Majesté, ni le Royal Exchequer, le roi Li-Hsi n’a pas, comme le Khédive Ismaïl, des actions à vendre. Le cabinet de Tokyo peut donc seulement exagérer l’importance des intérêts de ses nationaux en Corée et tenter de persuader aux Puissances qu’il n’a d’autre volonté que de sauvegarder ceux-ci par un acte de bon voisinage, en mettant son expérience fraîche acquise de la civilisation au service d’un frère encore barbare.

Mais la haine tenace, profonde, indéracinable des Coréens contre les Nippons ne permet pas d’espérer que ceux-ci puissent imposer leur préceptorat par le seul ascendant moral. Et comment se targueraient-ils de ce prestige après les encouragements qu’ils ont accordés sans scrupule à tous les conspirateurs ? Après leurs menées, tantôt avec, tantôt contre le Taï-ouen-koun ? Après leur rôle dans l’assassinat de la feue Reine, et depuis ? N’ont-ils pas donné à penser, même aux Coréens, que leur civilisation est un vernis aussi peu solide que les laques de pacotille fabriquées aujourd’hui pour les « barbares » et les