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cette mesure avait dégénéré en droit de prise, c’est-à-dire en vol légal…

Pour ne pas déroger, les yang-ban s’empressèrent d’imiter l’exemple de leurs chefs.

Promptement, les paysans apprirent à prévoir, comme la neige, la grêle, la tempête ou la pluie, les prodromes de ces deux fléaux. Ils cachaient tout ce qu’ils possédaient et se mettaient en lieu sûr. Tant pis pour l’étourdi, l’oublieux ou le nonchalant qui remettait au lendemain : il était ruiné net ; heureux encore si quelque torture ne l’estropiait pas… Ils savaient bien d’ailleurs que ce qu’ils sauvaient de ces rapaces, d’autres viendraient le prendre sans courir, auxquels ils n’échapperaient pas. Mais ceux-là, du moins, ménageraient, dans leurs personnes, les producteurs de leurs revenus et leur laisseraient de quoi vivre et faire les semailles…

Et ils vivaient, passifs entre le péril d’hier et la menace de demain, dans des villages réunis les uns aux autres par des sentiers praticables pour leurs poneys, travaillant aux moments opportuns à leurs rizières, n’entreprenant rien, végétant, sans besoins disproportionnés avec leurs ressources, résignés d’avance à la famine, à l’épidémie, avec la vague conscience que tous leurs efforts pour s’enrichir échoueraient ou réussiraient seulement à alourdir leur joug.

Au mois de mai, ils allaient dans quelque vallon, voir les bosquets d’azalées ; l’hiver, ils passaient les heures de soleil et de chaleur sur quelque coteau