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naires seuls touchaient des appointements ; les moyens et les petits n’en recevaient aucun. Impartialement, les uns comme les autres faisaient leur proie, chacun selon la force de ses mâchoires et la grandeur de son appétit, en rançonnant impitoyablement leurs administrés et on leur faisant saigner, outre l’impôt dû au fisc royal, servi le premier, les sommes nécessaires pour rembourser le prix d’achat des grades et des charges, et constituer à chacun une fortune suffisante au reste de ses jours. Grâce à cet ingénieux système, les arrivants ne trouvaient jamais la route obstruée par les arrivés ; la question des mises à la retraite était résolue d’avance ; l’aristocratie gardait prestige et sa puissance et le Trésor royal n’était pas grevé.

Les sujets, formés par l’hérédité et l’expérience, acceptaient les exactions traditionnelles et louaient avec l’emphase orientale, les fonctionnaires qui s’en contentaient, quitte à brûler vifs ceux dont une invention nouvelle leur paraissait intolérable.

Ils savaient qu’ils seraient razziés, s’ils ne prenaient pas leurs précautions, à chaque réunion solennelle des gouverneurs de province à Séoul.

Ces hauts personnages ne pouvaient en effet subir l’humiliation de manquer de quelque chose, ou de débattre un prix avec un inférieur, ou de se voir tenus en échec par des prétentions trop élevées. Ils s’étaient donc arrogé le droit de réquisition, comprenant le paiement des objets requis d’après un tarif raisonnable. Mais, comme dans l’Europe du moyen âge,