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portant le titre de Sa-Ka-Chyeng, a fait bâtir ce pavillon et suspendre cette cloche ».

Au sommet est un pieu de bronze étreint par un dragon magnifique, dont les anneaux se déroulent à droite et à gauche en tourbillons posés sur de puissantes poutres. (Ce curieux objet d’art est l’agrandissement d’un autre beaucoup plus petit trouvé quand on creusa les fondations de la porte Est.)

Le métal pour fondre cette grosse cloche fut fourni par une taxe spéciale. Une pauvre femme, hors d’état de donner même une « cash » (sapèque de cuivre), portait, selon l’usage universel, son petit garçon sur son dos. Elle répondit au collecteur : « Je n’ai que mon enfant, le voulez-vous ? » On n’y prit pas garde et on moula la cloche sans la contribution de la mégère. Trois fois le métal claqua. Un des ouvriers, se souvenant de l’offre faite, assura que si on ne l’acceptait pas, la fonte échouerait toujours. La mère, sommée de tenir parole, livra le pauvre petit être… Et l’an dernier encore, avant l’arrivée des Japonais, quand matin et soir une large onde sonore se propageait sur les maisons, à mesure que les envahissait le premier ou les quittait le dernier rayon du soleil, les habitants de Séoul entendaient distinctement articuler la langue de bronze : Ah Mey là ! (C’est la faute de ma mère !)

Ils ont une telle vénération pour cette relique, que toutes les rues qui y aboutissent sont appelées Choung-Ro (rue de la Cloche). Il paraît que les facteurs retrouvent quand même les adresses !