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LE JAPON.

grande robe de chambre ouatée qui leur sert à la fois de draps, de couverture et de couvre-pied. Pour traversin, ils ont un morceau de bois en forme de brique, légèrement échancré à l’endroit où doit poser la tête et rembourré d’un tampon de papier. Le matin, il leur suffit d’ôter leur robe de chambre et d’enlever le mince matelas et le traversin de bois pour se trouver levés et habillés dans une pièce que nous ne songerions nullement à prendre pour une chambre à coucher. Le sol est couvert de nattes en sparterie assez épaisses et d’une merveilleuse propreté, car tout le monde a toujours grand soin d’ôter ses chaussures avant d’entrer dans une maison. Ces nattes sont plus ou moins fines, plus ou moins habilement travaillées ; mais elles sont toutes rigoureusement de la même dimension, si bien qu’elles servent de mesure de surface aux architectes japonais. Une chambre est faite pour recevoir une natte, ou quatre, ou huit nattes, mais toujours un nombre pair, sans fraction, et c’est par ce nombre qu’on en indique la dimension.

Quant au mobilier qui garnit ces maisons de bois, il est réduit à sa plus simple expression. Des gens qui se contentent pour coucher d’un simple matelas, n’ont pas besoin de lits. Des gens qui, au lieu de s’asseoir comme nous, s’accroupissent sur leurs talons, n’ont besoin ni de chaises, ni de fauteuils, ni de divans : un ou deux placards leur suffisent pour serrer les matelas pendant le jour. Une étagère supporte la batterie de soucoupes de bois laqué qui leur sert de vaisselle. Ce qui occupe le plus de place dans leurs demeures, ou du moins ce qu’on y voit le plus constamment étalé dans les pièces où ils se tiennent, ce sont les ustensiles nécessaires pour fumer et prendre le thé, c’est-à-dire un brasier pour allumer à tout instant leurs petites pipes contenant à peine une pincée de tabac, un tabaccoboon (ou boîte à tabac), une petite théière et de petites tasses qui ont l’air d’appartenir à un ménage de poupée. Quant aux tables, c’est un luxe presque